La voie lactée : un documentaire de Jon Fitzgerald

La voie lactée est un documentaire de Jon Fitzgerald sorti en 2016 où se pose la question suivante : pourquoi si peu de mères poursuivent leur allaitement au delà de 3 mois aux Etats-Unis ? Partant du constat que rien ne facilite la bonne mise en place de l’allaitement (manque d’information, de formation, de soutien), ce documentaire retrace l’avènement du lait artificiel et étudie l’allaitement à travers plusieurs pays.

Le corps de la femme, de l’intime au public


Le premier point marquant de ce film est de voir comment les femmes ont perdu confiance dans leur corps et leur capacité à nourrir leur bébé. A force d’hypersexualiser la poitrine féminine, c’est comme si nous en étions dépossédée. Finalement cette poitrine excite autrui, ce sont toujours des tiers qui statuent sur ce que j’ai le droit de faire ou non (typiquement le topless), les seins des femmes sont tombés dans le domaine public. Et puis ajoutons par dessus les grotesques censures de tétons sur les réseaux sociaux. Alors avec tout ça pas facile de retourner à une vision plus saine, plus primitive de son corps. Ce corps NOUS appartient, ce qu’en pense les autres ne devrait jamais peser dans la balance d’un choix libre : allaiter si on veut ( si tant est que le choix soit suffisamment éclairé).
Dans cette question de la réappropriation du corps il y a toujours un arrière goût de justification. Pourquoi devrions-nous argumenter autour du choix de l’allaitement quand le biberon est tellement la norme de nos sociétés qu’il en est devenu un symbole universel pour représenter un bébé ? Là encore le documentaire s’attarde sur la période d’après-guerre, quand les femmes ont dû quitter le foyer pour travailler. S’ensuit toute une partie sur l’émancipation de la femme au foyer ainsi que sur la montée du féminisme et leur désir de ne plus être “des vaches à lait”. Les propos sont forts mais la bonne restitution du contexte économique et social permet de comprendre les enjeux de l’époque.

Un contexte favorable pour l’industrie agroalimentaire

Bien loin des considérations des droits des femmes, l’industrie de l’agroalimentaire met un pied dans la porte en sentant une opportunité d’augmenter la consommation de lait artificiel. Les jeunes parents sont assaillis de pub sur les bienfaits de leur lait artificiel. A tel point qu’aux Etats-Unis les représentants de ces groupes peuvent encore avoir accès aux maternités et surtout directement aux parents en les arrosant de goodies et boites de lait gratuites. On additionne à ça le peu d’informations et le manque de formation des professionnels de santé, il est compréhensible qu’une large partie des parents se tournent alors vers ces boites déjà à disposition.
En regardant les procédés et en écoutant les témoignages de mères en larmes (certaines ont la sensation qu’on leur a volé quelque chose en les laissant complément démunies face à leurs doutes) la rage monte. Pire, on nous montre ensuite comment les industriels pharmaceutiques vont jusqu’à financer des rénovations de maternité afin que les chambres des mères soient le plus éloignées de la nursery. Ainsi les bébés laissés en garde sont moins accessibles pour leurs mères qui peuvent plus facilement accepter qu’une infirmière les nourrissent au biberon et lait artificiel. C’est machiavélique, non?

Au-delà des exemples de pays comme la Suède qui bénéficie d’une politique de santé et de travail clairement en faveur des familles, du décryptage des bienfaits du maternage et du peau à peau, ce documentaire nécessaire à la compréhension de la vision de l’allaitement maternel dans nos sociétés. Et c’est par cette perception très fine du moment où on nous à fait croire que nous les femmes n’étions pas capables, qu’il est possible de prendre la pleine mesure de nos libertés en tant qu’individu. Allaiter ou non reste un choix si celui est fait en toutes connaissances de causes. En jouant avec la santé de nos enfants ce n’est plus un choix. C’est un piège. La voie lactée est un documentaire à voir absolument, il donne envie de redresser le buste et de reprendre possession de ce qui nous appartient.

Jade

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